À l’occasion de la venue des Grands Ballets Canadiens à Québec pour le célébrissime ballet Casse-Noisette, on a la chance de rencontrer André Laprise, répétiteur attitré aux Grands Ballets Canadiens, fiduciaire du fonds chorégraphique Fernand Nault et directeur de l’Académie de danse de Gatineau.
Depuis maintenant plus de trois mois, André Laprise se rend une fois par semaine dans nos studios pour répéter avec les jeunes danseurs non-professionnels qui feront partie de la cohorte du spectacle Casse-Noisette à Québec.
Casse-Noisette sera présenté du 5 au 8 décembre prochains au Grand Théâtre de Québec.
André Laprise a eu la gentillesse de nous ouvrir les portes du studio et de répondre à quelques-unes de nos questions sur son travail de répétiteur attitré.
Pouvez-vous vous présenter ?
André Laprise, fiduciaire du fonds chorégraphique Fernand Nault et répétiteur attitré. Je suis aussi directeur de l’Académie de danse de l’Outaouais, à Gatineau.
Comment décriveriez-vous Les Grands Ballets Canadiens ?
Une compagnie de danse importante au Canada qui assure une production originale et internationale.
Casse Noisette est joué depuis maintenant plus de 50 ans, tous les ans par Les Grands Ballets Canadiens, pouvez-vous m’en dire plus sur l’adaptation chorégraphique de Fernand Nault?
Fernand Nault a d’abord créé sa version à Louisville au Kentucky en 1960 alors qu’il commençait sa carrière de chorégraphe suite à sa carrière de danseur et répétiteur à l’Américan Ballet Theater. Sa version de Casse-Noisette est le premier ballet classique complet présenté par Les Grands Ballets Canadiens en 1964. La chorégraphie de Fernand Nault est à la fois classique, traditionnelle et novatrice.
Le rôle de Clara étant joué et dansé par une jeune danseuse étudiante en fait une adaptation d’une fraîcheur inhabituelle. L’importante participation de jeunes danseurs et danseuses, 61 par représentation, est intéressante par leur complémentarité dans la chorégraphie et dans la mise en scène. Tous les rôles ont une importance dans l’expression du spectacle.
Comment abordez-vous le travail de répétitions/créations avec les jeunes danseurs ?
Mon travail de répétiteur avec les jeunes est des plus agréables. Les rôles étant importants et complémentaires je me dois de les amener au meilleur niveau d’interprétation et d’exécution possible. Ils et elles ne sont pas professionnels certes mais peuvent avoir une compréhension et un comportement à la hauteur.
Qu’est ce qui vous anime le plus dans ce travail avec de jeunes danseurs ?
La valeur d’une oeuvre qui a autant de vécu, d’histoire et qui appartient à notre patrimoine en fait un accès privilégié avec la danse, la tradition et notre histoire.
Vous sentez-vous libre dans votre métier de répétiteur ?
Je dirais que pour moi c’est la liberté totale dans la contrainte maximale. Je me sens d’une grande liberté, je le sentais pas au début parce que je n’avais pas l’expérience que j’ai aujourd’hui.
Depuis combien d’années exercez-vous le métier de répétiteur?
Au moins 37 ans que je fais ça. Je le faisais à petite dose au début, maintenant j’ai une tâche assez imposante. Ça fait à peu près 37 ans que j’ai commencé à faire ce travail là avec monsieur Nault.
Des liens se tissent-ils entre les enfants et les danseurs professionnels à travers ce spectacle?
À l’occasion oui, pour ceux qui ne sont pas trop gênés. Par contre la majorité sont impressionnés par cet accès de l’envers de la production. Et, ils, elles en font partie!
D’après vous, qu’est ce que les jeunes danseurs retirent de cette expérience ?
Une expérience unique, professionnelle.
Un apprentissage à la fois individuel et de groupe car l’un ne va pas sans l’autre. La capacité et la puissance d’une interprétation à apprendre, à apprivoiser et à performer.
Est-ce que vous voyez des jeunes revenir année après année ?
Oui, ils grandissent dans la production. Il y en a même qui ont fait carrière. C’est leurs carrières de danse, c’est comme s’ils avaient une carrière d’amateurs choyés, car ils sont hyper bien traités et entraînés. Ils ont commencé souris, ils ont fait les enfants de la fête, brebis blanche, brebis noire, matriochka, puis quand ils ont fini ça, leurs rêves de Casse-Noisette et de danser sur scène est fait. C’est une expérience. On les traite comme des professionnels aussi. Même si c’est des amateurs, ils ont le même traitement que des danseurs professionnels, le même niveau d’exigences, et ça c’est la beauté de la version de Fernand Nault car les jeunes ne sont pas utilisés comme de la “tapisserie”. S’il y a un rôle, c’est qu’il y a de la pertinence. Ça c’est de l’art, parce que moi ça me donne de la légitimité pour être hyper exigeant avec les enfants et les figurants. Ils ne sont pas là juste pour bien paraître, mais pour faire partie de la production et du tableau.
J’ai beaucoup de plaisir à leur faire vivre ça et puis à partager ça avec eux.
Pouvez-vous me décrire une journée typique de répétition (jeunes danseurs) ?
Les préparatifs suite aux auditions représentent une série de 8 à 10 sessions de 60 min à 120 min, selon le rôle. L’apprentissage comprend la mémorisation, l’exécution technique, l’interprétation. Plus prêt des représentations suivront les essayages de costumes, le travail avec les accessoires, la mise en place sur scène avec les danseurs des GBC et tous les éléments de la production.
Et, les grands jours… échauffement en groupe, préparatifs en costumes et performance devant le public!
Est-ce important que cette pièce continue à être jouée ?
Oui, parce que c’est la seule façon de l’apprécier à sa pleine valeur. Mais (…) Les GBC n’ont pas la responsabilité de préserver le répertoire de Fernand Nault, c’est plutôt le fond chorégraphique dont je suis le fiduciaire qui a cette responsabilité. Parce que quand je regarde dans l’histoire du Québec et du Canada, monsieur Nault est le premier chorégraphe qui a assuré la survie ou la continuité de son répertoire et il l’a fait de son vivant, ce qui est assez remarquable.
Je défends toujours autour des tables de discussion et de concertation, que la danse est faite pour être vivante. C’est fait pour être sur scène, ce n’est pas fait pour être sur photos ou vidéos. Alors le patrimoine en danse, c’est un patrimoine qui est vivant, il faut qu’il soit gardé vivant, et non mis sur des tablettes ou des archives, ou bien même dans des musées.
En tant que répétiteur, est-ce toujours un nouveau défi de recommencer cette pièce ?
C’est un défi, mais c’est un plaisir renouvelé, c’est incroyable parce que c’est ça, la plus grande valeur du patrimoine. Quand je faisais mon apprentissage auprès de monsieur Nault, je lui demandais “Comment se fait-il que vos oeuvres soient si importantes, sont si marquantes ?” Il me répondait : ‘“J’ai eu la chance de faire et de refaire”. Dans le temps, je ne comprenais pas, je l’ai noté, j’ai entendu et j’ai finalement compris. Maintenant, j’ai la chance de faire et de refaire comme lui. Je ne travaille jamais avec les mêmes jeunes, si il y en a qui sont les mêmes ils ne sont pas à la même place et vu que je remonte la même chose, faut que je garde l’intérêt pour eux autres, pour le public et pour moi-même.
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